Alors qu’on observe une vague de chaleur historique en antarctique avec des températures jusqu'à 40°C au-dessus de la moyenne, en Arctique la réduction de la glace marine, le changement dans la couverture neigeuse, la fonte des glaciers et de la calotte glaciaire témoignent d'un réchauffement prononcé dans cette région qui se réchauffe trois fois plus vite que la planète. Sur cette animation de la NASA, qui montre l'évolution de l'âge de glace de mer, on observe la disparition progressive de la banquise arctique. La glace pérenne, plus connue sous le nom de glace pluriannuelle - glaces de plus de 4 ans - est ici représentée en blanc. La glace de mer plus jeune est quant à elle représentée dans une nuance de bleu foncé. Le graphique affiché dans le coin supérieur gauche quantifie la zone couverte de glace de mer. On observe très clairement le déclin de la glace de mer pérenne dont la superficie est passée de plus de 3 millions de kilomètres carrés en 1988 à moins de 116 000 km² en 2019.
Cette vaste région, qui englobe stricto sensu l'océan Arctique, les régions septentrionales de Russie, du Groenland (Danemark), du Canada, de l'Alaska (États-Unis), de la Norvège et de l'Islande, est devenue en deux décennies un maillon crucial des échanges commerciaux et énergétiques à l’échelle mondiale mais aussi le théâtre de rivalités et de tensions. Les conditions climatiques et océanologiques générales ont permis d'ouvrir de nouvelles voies maritimes et rendu possible l’accès du passage du Nord-Est le long de la côte septentrionale russe et celui du Nord-Ouest, le long du Groenland et du Canada. Le Royaume-Uni, le Canada, la Norvège ou encore la Russie tirent profit de cette catastrophe et y voient une opportunité de garantir leurs intérêts géopolitiques, commerciaux et militaires. Si les contraintes climatiques restent pour l’instant importantes et les difficultés logistiques encore fortes - comme on peut le constater ci-dessous sur la carte interactive des navires en circulation dans le monde en temps réel - la déglaciation a galvanisé les velléités d’extraction des ressources et ravivé les tensions territoriales notamment entre le Canada et la Russie qui s’opposent depuis des années autour de la dorsale de Lomonosov et du prolongement du plateau continental. Chaque pays revendiquant la souveraineté.
"En 2020, près de 33 millions de tonnes de fret ont été transportées le long de la route maritime du Nord, dont plus de 18 millions de tonnes de gaz naturel liquéfié (déjà une multiplication par cinq en cinq années, ndr). Mais en fait, la route peut gérer beaucoup plus que cela". - Yury Trutnev ( vice-Premier ministre russe )
Selon la cartographie des fonds marins réalisée sur l’ensemble de l’Arctique par l'US Geological Survey de 2008 cette vaste étendue mer de glace recèlerait plus de 22 % des réserves mondiales d'hydrocarbures non encore découvertes notamment des gisements de matières premières : pétrole, gaz, or, nickel, zinc et uranium. Ces ressources de plus en plus accessible grâce à la fonte accélérée des glaces offre de nouvelles opportunités en matière de transport maritime avec le risque d’exacerber davantage les conséquences du réchauffement climatique. Si le trafic commercial de transit reste très minoritaire et son développement pour l’instant limité les choses pourraient bien évoluer dans les années à venir dans cette région au cœur de toutes les convoitises qui revêt plus que jamais le nouvel enjeu de la géopolitique mondiale.
Chine et Russie destin lié en Arctique
Alors que la prédation économique menace toute la région, le développement de la coopération sino-russe dans l’Arctique, qui a commencé dès le début des années 2000, s’est accéléré avec la première crise Ukrainienne de 2014. La méfiance russe a laissé place à la convergence d’intérêts entre les deux puissances. La Coopération entre les deux pays dans le projet Yamal - un méga chantier russe de Gaz liquéfié - et le méga contrat signé entre le géant Gazprom et chinois CPNC pour la construction d'un nouveau pipeline - Power of Siberia 2 - résument à eux seuls la nature de ce vaste partenariat. À la nouvelle alliance monétaire et énergétique sino-russe s’ajoute désormais une alliance commerciale autour des routes de la soie polaire - troisième axe de la Belt and Road Initiative et complément du corridor de la route maritime indo-pacifique - visant à développer une route économique compétitive reliant l’Asie à l’Est de l’Europe.
Sous couvert de recherche scientifique via notamment le puissant instittut chinois de recherche polaire et au nom du réchauffement climatique l'ingérance assumée de Pékin dans le grand nord n'a fait que s'intensifier ces trois dernières décennies.
Persuadé qu'un destin attend son pays dans le grand Nord, le Président Xi Jinping s'est donné les moyens dès son arrivée au pouvoir de batîr « puissance polaire ». Sans territoire en Arctique la Chine s'est appuyée sur le traité international du Svalbard permettant à tous les pays signataires d'exercer une activité économique ou scientifique dans les îles du même nom située à l’extrême Nord de la Norvège et de l’Islande. Cette internationalisation partielle de cette enclave norvégienne a permis à la Chine d'accéder à l'Arctique et d'y établir une présence notamment avec la construction de la station fleuve jaune. En devenant membre observateur permanent au sein du Conseil de l'Arctique en 2013 la Chine devient un acteur de référence en Arctique. En invitant la Chine à ratifier le traité du Svalbard en 1925 la France n'imaginait pas que cette région deviendrait une pierre d'achoppement entre Norvégien et Russes mais surtout que la Chine étendrait sa diplomatie d’influence jusqu'au coeur des pôles.
Dans ces territoires lointains où se jouent les enjeux géostratégiques d'aujoud'hui et les conflits de demain, les États riverains s’organisent pour défendre leurs intérêts de souveraineté et de sécurité. La convoitise et la concurrence mondiale pour les ressources minières, halieutiques et énergétiques laissent peu de place à l'optimisme. La lutte contre le réchauffement climatique et l’objectif de 2°C au-dessus de la moyenne préindustrielle semblent être des préoccupations bien lointaines. Dans cet espace fragile ou jadis vivaient les Dorsétiens les communautés autochtones et locales ressentent déjà les impacts de la crise climatique. C'est dans l'arctique, ultime frontière de la mondialisation, que pourrait se trouver la plus grande mecace pour la sécurité mondiale. Le dégel du permafrost, provoqué par la hausse des températures, pourrait libérer des centaines de tonnes de mercure dans les écosystèmes et avec elles des quantités importantes de virus et de bactéries, Un scénario aux conséquences dramatiques et irréversibles.
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© Nasa Scientific Visualization Studio/Visualizers -SVS: Weekly Arctic Sea Ice Age with Graph of Ice Age By Area: 1984 - 2019 (nasa.gov)
Carte interactive des navires en circulation dans le monde, en temps réel. © London-based data visualisation studio Kiln et UCL Energy Institute. Source : Shipmap.org
LASSERRE Frédéric et V. ALEXEEVA Olga, « La Chine en Arctique? », le 03/10/13, disponible en ligne via: https://www.diploweb.com/La-Chine-en-Arctique.html
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