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Photo du rédacteurSteve Moradel

L'Inoxydable Mark Zuckerberg


Dans un monde où les scandales et les poursuites judiciaires peuvent facilement faire vaciller les plus puissants, il existe un homme qui semble inébranlable. Ni les critiques virulentes, ni les accusations graves n'ont réussi à freiner l'ascension de Mark Zuckerberg. Que ce soit pour avoir négligé les impacts de ses plateformes sur la santé mentale des jeunes ou pour sa gestion controversée des données personnelles de milliards d'utilisateurs, Zuckerberg continue de prospérer avec une constance déconcertante.

Ce succès durable s'explique en partie par un environnement extrêmement favorable à l'expansion des géants de la tech. Sous l'administration Obama, le climat propice à l'innovation technologique a permis à des entreprises comme Facebook de croître à une vitesse fulgurante, atteignant une puissance telle qu'elles agissent parfois comme des États dans l'État. Certes, cette protection n'est pas sans limites, mais le cadre législatif reste globalement avantageux pour ces colosses du numérique. Des lois américaines, comme la section 230 du Communications Decency Act (CDA), protègent en effet ces entreprises des responsabilités liées aux contenus générés par les utilisateurs sur leurs plateformes. Bien que partielle, cette protection juridique constitue un bouclier significatif face aux nombreuses menaces légales.


Pourtant, alors que Zuckerberg continue de naviguer avec habileté dans un océan de controverses, une question demeure : combien de temps encore pourra-t-il maintenir le cap dans un monde où les pressions se multiplient et où la tolérance du public, des régulateurs et des gouvernements commence à s'effriter ? L'avenir du géant de la tech reste incertain, et c'est peut-être dans ces zones d'ombre que se cache la véritable histoire à découvrir.


Une histoire de rêve américain


Mark Zuckerberg, accompagné de ses camarades de Harvard, Eduardo Saverin, Andrew McCollum, Dustin Moskovitz et Chris Hughes, a fondé Facebook en 2004. Ce qui n'était à l'origine qu'un simple réseau social réservé aux étudiants de l'université s'est rapidement transformé en un phénomène mondial. Animés par une vision audacieuse et une capacité hors pair à saisir les opportunités, Zuckerberg et son équipe ont métamorphosé Facebook en une plateforme incontournable, connectant des milliards de personnes à travers le globe. En moins de 15 ans, l'entreprise est devenue l'une des plus influentes de la Silicon Valley, marquant de son empreinte l'écosystème numérique mondial, notamment grâce à des acquisitions stratégiques telles qu'Instagram en 2012 et WhatsApp en 2014, qui ont renforcé son emprise sur les réseaux sociaux.


Conscient que le monde du numérique évolue rapidement, Zuckerberg a compris qu'il devait adapter son entreprise pour répondre aux nouvelles attentes du marché et se préparer aux défis futurs. C'est dans ce contexte qu'en octobre 2021, l'entreprise autrefois connue sous le nom de Facebook a amorcé un virage stratégique en devenant Meta Platforms, Inc. Ce changement, bien plus qu'un simple rebranding, illustre l'ambition de Mark Zuckerberg de diversifier les activités de l'entreprise.

Cette mue, au-delà de l'ambition d'un virage stratégique, s'effectue également dans un contexte de tensions où l'entreprise accumule les scandales. Parmi eux, l'affaire Cambridge Analytica, révélée en 2018, reste l'un des plus marquants. Cette société de conseil politique avait illégalement exploité les données personnelles de millions d'utilisateurs Facebook sans leur consentement, dans le but de manipuler l'opinion publique, notamment lors de l'élection présidentielle américaine de 2016. Depuis, Meta enchaîne les scandales comme dans un cercle infernal, confrontant continuellement l'entreprise à de nouvelles controverses.


Les Révélations récentes de Zuckerberg


Le 26 août 2024, Mark Zuckerberg a révélé dans une lettre adressée à Jim Jordan, président de la commission judiciaire de la Chambre des représentants, que l'administration Biden-Harris avait exercé des pressions sur ses équipes pour censurer certains contenus relatifs au COVID-19 en 2021. Il a exprimé des regrets face à cette collaboration, qui a entraîné la suppression de contenus satiriques et humoristiques, ainsi que d'informations sensibles comme l'affaire de l'ordinateur de Hunter Biden.


Durant cette période, Facebook a supprimé plus de 20 millions de contenus qualifiés de désinformation sur le COVID-19, selon un rapport du magazine Time. Cette vaste opération de modération a suscité des critiques pour avoir supprimé des publications non seulement pour des violations présumées des politiques de l'entreprise, mais aussi pour la potentielle censure de discours légitimes.


Ces révélations tombent sous le coup du premier amendement, constituant une énième dérive dans un contexte déjà marqué par des polémiques répétées. Elles soulèvent des questions profondes sur le respect de la liberté d'expression aux États-Unis, ouvrant ainsi la porte à des poursuites civiles massives. Les conséquences pourraient se chiffrer en amendes colossales, atteignant potentiellement des milliards, voire des dizaines de milliards de dollars.


Par ailleurs, il devient clair que le ministère de la Justice va probablement examiner minutieusement toutes les déclarations de Mark Zuckerberg devant le Sénat, où il est intervenu à au moins cinq reprises, afin de vérifier s'il n'a pas menti devant la représentation nationale. Si des incohérences ou des fausses déclarations sont découvertes, cela pourrait impliquer des accusations de parjure, un crime grave aux États-Unis. De telles accusations pourraient entraîner des poursuites pénales contre Zuckerberg lui-même, pouvant aboutir à des peines de prison, en plus de lourdes amendes pour l'entreprise. Ces implications légales pourraient non seulement ternir davantage l'image de Meta, mais également provoquer une crise de confiance majeure auprès des investisseurs et du public.


Confrontations et critiques au Sénat


En janvier 2023, lors d'une audience sénatoriale, Zuckerberg a été sévèrement critiqué par la sénatrice Marsha Blackburn pour son incapacité à protéger les jeunes utilisateurs contre l'exploitation sexuelle en ligne. Le sénateur Josh Hawley et d'autres ont poussé Zuckerberg à reconnaître le rôle de ses plateformes dans la facilitation de réseaux de traite d'êtres humains et de pédopornographie. Le sénateur Lindsey Graham a accusé Zuckerberg d'avoir "du sang sur les mains", une référence directe aux suicides d'enfants liés à l'usage des plateformes de Meta.


Révélation des "Facebook Files"


Auditionnée par la commission au Commerce du Sénat américain, Frances Haugen, ancienne chef de produit de Facebook, a accusé Meta de privilégier « le profit à la sûreté » et a appelé à une révision profonde des pratiques de l'entreprise. Elle a notamment pointé du doigt l’algorithme et son impact nocif sur les jeunes internautes. Le Wall Street Journal avait ainsi révélé que Meta avait modifié ses algorithmes pour privilégier les profits au détriment de la sécurité des utilisateurs, une révélation issue des "Facebook Files" qui a attiré une attention critique sur la manière dont l'entreprise privilégie les intérêts financiers au détriment du bien-être de sa base d'utilisateurs.


Enquête en Virginie sur la vente illégale de médicaments


En 2023, les autorités judiciaires de l'État de Virginie ont initié une enquête pénale ciblant des activités suspectées de vente illégale de médicaments via les plateformes sociales gérées par Meta. Cette démarche vise à établir si Meta a non seulement facilité de telles transactions, mais également tiré profit économique de cette activité illégale. La Food and Drug Administration (FDA) participe également à l'enquête, soulignant ainsi les implications potentielles pour la santé publique ainsi que les risques légaux pour Meta.

L'investigation explore comment les algorithmes de Meta pourraient avoir permis ou même encouragé la dissémination de publicités et de transactions pour des médicaments non approuvés ou réglementés. De plus, les autorités examinent les mesures de sécurité et les politiques de surveillance de l'entreprise pour déterminer si elles étaient adéquates pour empêcher de telles activités ou si des manquements ont permis que ces pratiques perdurent.


Les implications d'une éventuelle condamnation sont vastes. Non seulement Meta pourrait faire face à d'importantes amendes, mais l'entreprise pourrait également être contrainte de revoir ses pratiques de modération et de surveillance de contenu. Une condamnation pourrait également déclencher des actions réglementaires supplémentaires, renforçant la surveillance gouvernementale sur la manière dont les plateformes sociales gèrent la vente de produits réglementés..


Défis antitrust de la FTC


La Federal Trade Commission (FTC), sous la direction de Lina Khan, a intensifié ses efforts contre Meta, accusant l'entreprise de maintenir un monopole illégal et de pratiquer des comportements anticoncurrentiels, notamment par ses acquisitions de WhatsApp et Instagram. Un procès est en cours, qui pourrait forcer Meta à se séparer de ces entités. La FTC a également ouvert une enquête sur l'acquisition par Meta de l'application Supernatural, soulignant la surveillance continue sur les pratiques commerciales de Meta.


Entre régulation et performance


Sous la direction de Lina Khan, la Federal Trade Commission (FTC) a intensifié ses efforts contre Meta, accusant l'entreprise de maintenir un monopole illégal à travers des acquisitions stratégiques telles que WhatsApp et Instagram. Un procès est en cours qui pourrait forcer Meta à se séparer de ces entités, tandis qu'une enquête supplémentaire cible l'acquisition de l'application Supernatural. Ces défis antitrust mettent en lumière la surveillance accrue des pratiques commerciales de Meta.

Parallèlement, en octobre 2022, Meta a connu une chute spectaculaire de son action en bourse, suscitant des inquiétudes parmi les investisseurs. Cependant, grâce à une réorientation stratégique vers l'intelligence artificielle, l'entreprise a rapidement rebondi. En 2023, Meta a enregistré une croissance significative de son chiffre d'affaires, atteignant 134,9 milliards de dollars, et un profit net de 39,1 milliards de dollars. Cette résilience démontre la capacité de Meta à surmonter les crises, qu'elles soient d'ordre commercial ou réglementaire.


Meta, un géant qui résiste à tout


Meta, sous la direction de Mark Zuckerberg, continue de faire face à une série de défis sans précédent qui testent sa capacité à naviguer dans un paysage réglementaire et éthique complexe. Cependant, rien ne semble durablement affecter l'entreprise, qui reste à ce jour la 7e plus grande entreprise au monde en termes de valeur de marché.


Les plaintes liées aux dernières révélations de Zuckerberg dans sa lettre adressée à Jim Jordan devraient coûter quelques milliards à Meta, une goutte d'eau pour l'entreprise. Les cas de violation du premier amendement sont généralement traités par les tribunaux civils et ne relèvent pas du droit pénal, sauf si l'action qui enfreint le premier amendement constitue également un acte criminel en vertu d'autres lois.


Facebook est actuellement impliquée dans plusieurs procès en relation avec les impacts négatifs supposés de ses plateformes sur la santé mentale des adolescents. Ces procès allèguent que les conceptions des plateformes de Meta, notamment Instagram, ont contribué à des troubles de santé mentale chez les jeunes, incluant des pensées suicidaires. Bien que ces actions en justice soient graves et soulèvent des questions importantes sur la responsabilité des plateformes de médias sociaux dans le bien-être des utilisateurs, elles sont traitées dans le cadre du droit civil et non pénal. Cela signifie que les litiges cherchent principalement des dommages et intérêts ou des injonctions pour modifier les pratiques de Meta, plutôt que des peines criminelles. Là encore, il sera question d’amendes que l’entreprise a probablement déjà provisionnées.


Côté antitrust, même si un procès aura bien lieu, l’éventuelle condamnation de Meta est incertaine. La thèse principale de l'autorité de la concurrence est que les acquisitions de WhatsApp et d'Instagram ont privé les utilisateurs d'innovations potentielles qui auraient pu voir le jour si le groupe n'était pas aussi dominant dans le secteur des réseaux sociaux. Mais depuis ces acquisitions, d'autres réseaux - TikTok en tête - ont connu un succès grandissant, ce qui affaiblit l'argumentaire de la FTC.


Bref, Mark Zuckerberg dispose d’une armée d’avocats capables de prolonger ces procédures sur plusieurs années, et Meta possède un trésor de guerre suffisant pour envisager d'éventuelles condamnations, y compris des amendes infligées par des tribunaux civils. Les derniers aveux de Zuckerberg ont probablement été négociés en amont, lui octroyant au minimum certaines garanties.


Toutefois, l'histoire montre que la plupart des entreprises les plus puissantes parviennent à surmonter des tempêtes judiciaires majeures. Pfizer, géant de l'industrie pharmaceutique, en est probablement le meilleur exemple. Condamnée à plusieurs reprises à des amendes record, l’entreprise américaine s'est toujours relevée sans être véritablement affectée par ses condamnations. Elle continue à entretenir de bonnes relations avec la Food and Drug Administration (FDA).


En 2009, l'entreprise a été frappée d'une amende record de 2,3 milliards de dollars pour la promotion illégale de quatre médicaments. En 2004, Pfizer a réglé des allégations de fraude sur les prix pour 430 millions de dollars concernant le médicament Neurontin. Plus récemment, en 2012, une amende de 55 millions de dollars lui a été imposée pour la promotion non approuvée de Protonix. Malgré ces sanctions


Malgré ces sanctions, le géant pharmaceutique s'en est systématiquement sorti et continue à prospérer. Malgré les amendes records et les scandales passés, Pfizer a su maintenir une relation solide avec la Food and Drug Administration (FDA), continuant à obtenir l'approbation de ses nouveaux médicaments et à jouer un rôle clé dans l'industrie pharmaceutique.


Dans cette perspective, les actions légales coordonnées de plusieurs États américains contre Meta, qui accusent l'entreprise de nuire à la santé mentale des jeunes, ne devraient pas suffire à faire tomber le géant technologique. Meta, malgré une série de défis réglementaires et éthiques, continue son ascension avec une valorisation de 1 300 milliards de dollars.


WhatsApp continue d'élargir sa base avec plus de 2 milliards d'utilisateurs actifs mensuels, affirmant sa force en tant que plateforme de messagerie globale. Instagram, avec ses presque 2 milliards d'utilisateurs actifs chaque mois, reste un centre vital pour l'interaction sociale et la création de contenu. Quant à Facebook, il demeure le géant des réseaux sociaux avec plus de 2,9 milliards d'utilisateurs actifs mensuels, un pilier central de la communication mondiale. En outre, Meta se positionne comme un leader dans la course à l'intelligence artificielle. Avec ses innovations dans ce domaine, l'entreprise est bien placée pour continuer à croître et à étendre son influence, même face à une surveillance réglementaire accrue.


Pour l'instant, rien ne semble pouvoir ébranler le géant de Menlo Park, et la fin de Meta ne semble pas près d'arriver, au grand soulagement de ses soutiens et au désarroi de ses détracteurs. Mark Zuckerberg a parfaitement assimilé les rouages du système, tout comme ses avocats. Pourtant, l'histoire est là pour nous rappeler que même John D. Rockefeller, autrefois l'homme le plus puissant du monde avec son empire pétrolier, a vu son monopole vaciller sous la pression des lois antitrust. Rien n'est jamais gravé dans le marbre, surtout dans le domaine de la technologie, où l'innovation fulgurante et les bouleversements réglementaires peuvent changer la donne du jour au lendemain.


Sources :

  1. "Facebook Removed Over 20 Million Posts for COVID-19 Misinformation" (The Verge)


  2. "The Facebook Files: A Wall Street Journal Investigation" (The Wall Street Journal)


  1. "FTC Sues Facebook to Unwind Acquisitions of WhatsApp and Instagram" (Reuters)


  1. "Meta's Stock Plummets: The Cost of Betting Big on the Metaverse" (Financial Times)

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